
LE TEMPS, VICTIME DU LANGAGE
Le temps est omniprésent. Dans nos conversations, dans nos expressions quotidiennes, nous ne cessons de l’évoquer. Bien qu’il n’ait pas de définition conceptuelle, nous en avons tous conscience et il ne perturbe en aucun cas la compréhension d’une discussion quand on ne l’extirpe pas de son flux verbal, quand il reste engagé dans le train rapide d’une phrase ordinaire.
« Être pris par le temps » « En un rien de temps » "gagner du temps"
« Tuer le temps » « Prendre son temps » « Voir le temps passer »
En fait, le temps est doté d'une polysémie fulgurante. Le philosophe Saint Augustin (354-430) s'est grandement questionné sur le sens profond du temps en relevant notamment
Le philosophe et poète Paul Valéry (1871-1945) juge qu’il est nécessaire de procéder à « un nettoyage de la situation verbale » afin de penser la question de temps sérieusement. Le mot temps est clairement utilisé de manière abusive et bien trop souvent galvaudé. Constatez par vous-même : dès que vous utilisez une phrase qui contient le mot temps, il en existe une autre qui expliciterait mieux ce que vous souhaitez signifier. A l’analyse, Etienne Klein explique que toutes ces phrases « mènent à des apories, à des contradictions, des constatations absurdes ».
Prenons en exemple l’expression « Je n’ai pas le temps ». Cette phrase n’a aucun sens. Elle voudrait dire que vous possédez le temps, ou plutôt que la possession que vous avez de ce temps est intermittente. En réalité, c’est parce qu’il y a du temps que vous n’avez pas le temps. Pour signifier votre pensée correctement, il faudrait dire que vous n’êtes pas libre, vous n’avez
pas la disponibilité pour exécuter ce qu’on requête de vous. De même, nous verrons à travers la partie Le moteur du temps, que dire que « le temps passe » est incorrect. Le plus étonnant est que le temps est la seule chose dans l’univers qui ne passe pas.
Le langage ne reflète point l’opinion physique : nous parlons du temps aujourd’hui comme on en parlait avant Galilée. Les révolutions scientifiques telles que la mécanique newtonienne, la mécanique quantique et la relativité n’ont nullement affecté notre façon de dire le temps.
De ce fait, le langage n’est pas une source fiable pour s’approprier le véritable caractère du temps. Il est impuissant à dire le temps car il est ambivalent, ambiguë. Malgré cela, par sa structure éloquente, c’est le langage lui-même qui détermine notre façon de penser le temps. La façon dont nous disons le temps formate notre pensée du temps. Il en découle de nombreuses tromperies et par conséquence la vulgarisation est souvent mal interprétée et conduit à des impasses.
Nous constaterons d’ailleurs tout au long de ce TPE dans quelle mesure le sens que l’on attribue au temps par le langage vient contraster et troubler la vision physique, en menant souvent à des abus incorrects.
Le temps est un sujet qui attise la curiosité à la fois des philosophes, des physiciens et des métaphysiciens. Certaines thèses philosophiques ont inspiré les plus grands physiciens parmi lesquels figurent les noms de Galilée, Newton, Einstein et Boltzmann.
hâtives sur l’essence même du temps, qui reste de nos jours un sujet mystérieux et intarissable.
Après ce prélude, nous allons désormais nous concentrer sur la place de la notion de temps en physique.
Décrire le mystère qu’est le temps par un substantif oblige à poser de nombreuses questions sur la nature de ce dernier. C’est à Galilée que l’on doit la première mathématisation du temps. En brisant les standards de pensée à ce sujet, on commence à distinguer le temps social du temps physique.
équations ressemble-t-il à notre façon de voir et dire le temps ? Peut-on désirer réussir à saisir davantage la vérité du temps à travers la physique ?
C’est alors que je vous invite à vous informer brièvement sur le temps newtonien, le premier à formaliser le temps sous la variable t. Ce temps n’a rien à voir avec le temps que l’on raconte, alors pourquoi Newton a-t-il attribué le nom du temps à la variable t dans son équation de la dynamique ?

son caractère unique. Dans Les confessions, il lui consacre même le chapitre « temps » où il remarque que notre pensée du temps est victime d’un abus de langage : « nous avons bien peu de locutions justes à propos du temps et nous en avons beaucoup d’inexactes ». En prime, nous constatons qu’il nous sert aussi bien à désigner la succession, la simultanéité, la durée, le changement, le devenir, l’urgence, l’attente, l’usure, la vitesse, le vieillissement, les révolutions géologiques qui finissent par affecter nos visages, l’argent, la mort, etc…
Anecdote
Qu’est-ce que vieillir ?
Que cela vous surprenne, vieillir n’est pas prendre de l’âge. C’est augmenter avec son âge sa probabilité de mourir. La
probabilité que l’on a de mourir dans l’année qui vient est indépendante de notre âge.
Ainsi, entre 23 ans et 39 ans, un homme français ne vieillit pas.

Anecdote
Au vu des articulations entre le langage et le temps, on peut se demander si les nourrissons, non dotés de la parole et par conséquent du langage, ont eux aussi la perception, l’intuition du temps.
D’une part, des rythmes s’impriment dans la conscience des nourrissons qui ne viennent pas du tout temps lui-même mais des mécanismes biologiques qui les habitent.
D’autre part, les travaux du psychologue et biologiste Jean Piaget (1896-1980) démontrent clairement que la perception du temps chez les 5-6 ans est liée au mouvement. Dès que l’enfant bouge, il a l’impression d’augmenter son retard en accélérant le cours du temps.
Les adultes mis sous pression ont quant à eux tendance à déployer une métaphysique de la temporalité basée sur la vitesse (et donc le déplacement) : plus ils vont vite plus ils investissent le temps qui leur est donné.
On retrouvera ce lien entre mouvement et temps plus tard à travers un point de vue physique. Je ne m’attarderai par sur cette facette du temps, mais l’expérience Siffre-Follini prouve nettement que sans repère diurne ou nocturne, nous sommes complétement décalés. Si nous avons des montres au poignet, c’est tout simplement car notre cerveau est un piètre chronomètre.
Mais quand on s’intéresse à la question du temps, il y a deux pièges qui s’opposent et se complètent à éviter : le piège du philosophe et le piège du physicien. Il ne faut pas croire que la question du temps a été résolue pour toujours par Kant, Aristote (384 av. JC-322 av. JC) ou Heidegger (1889-1976). De même, il ne faut pas imaginer que parce que le temps est mathématisé, la question du temps est épuisée : le temps n’est pas qu’une variable. Il ne faut pas tisser de conclusions trop

Mais il faut noter que le point de départ où l'on peut critiquer le langage est la physique. De fait, elle a formalisé ce temps sous la forme d’une variable et l’a inséré dans des équations dictant des lois physiques de la nature. Agissant ainsi, c’est alors l’efficacité de la physique qui autoriserait à voir comment le langage rend-t-il justice ou non à ces équations ? Le temps physique est considéré premier par rapport aux autres temps. Cependant, le temps que l’on met dans les
